L’utilisation de ChatGPT et la responsabilité civile professionnelle de l’avocat

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L’arrivée des nouvelles intelligences artificielles génératives comme ChatGPT laisse entrevoir aux avocats une possibilité d’améliorer leur efficacité et d’automatiser certaines taches comme la recherche de jurisprudence ou la rédaction d’articles. Toutefois, ce partenariat n’est pas sans soulever des questions quant à ses conséquences en matière de responsabilité.

La responsabilité civile professionnelle de l’avocat

L’avocat a la responsabilité de la mission qu’il lui est confiée, de ses négligences et des fautes qu’il commet dans l’exercice de ses fonctions envers ses clients et les tiers. La responsabilité civile professionnelle d’un avocat peut être engagée à la condition de rassembler trois conditions, une faute, un préjudice et un lien de causalité.

La faute est caractérisée par un manquement à ses devoirs. L’avocat est tenu à une obligation de moyens dont découle un devoir de conseil et d’information, un devoir de prudence et encore un devoir de diligence. Le préjudice subi du fait de la faute doit être actuel, direct et certain pour demander réparation. Enfin, les juges apprécient le lien de causalité si la faute de l’avocat a exercé une influence directe ou non sur le choix de son client.

Suivant le décret de déontologie, « L’avocat exerce ses fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité, dans le respect des termes de son serment. » ; « Il fait preuve, à l’égard de ses clients, de compétence, de dévouement, de diligence et de prudence. ». L’avocat doit traiter le dossier de son client de manière personnelle. Dès lors, l’utilisation d’une IA peut être considérée comme une violation de son obligation professionnelle.

De plus, ChatGTP n’a pas accès à une base de données avec des informations récentes, payantes ou protégées par un droit d’auteur. L’IA risque donc de traiter des données périmées, contredisant l’obligation d’un avocat de conseiller son client suivant le droit positif en vigueur. De même, les informations et arguments juridiques générés par ChatGPT ont déjà été critiqués pour être erronés ou absurdes. Un avocat américain a d’ailleurs expérimenté ce risque à ses dépens. L’avocat Steven Schwartz a ainsi fait appel à ChatGPT pour obtenir de la jurisprudence pour une affaire contre une compagnie aérienne. Or, selon le juge devant qui il a plaidé le dossier, les six affaires citées étaient des décisions judiciaires inventées par le logiciel avec des références imaginaires. Pour se justifier, l’avocat a déclaré ne pas savoir que l’IA pouvait se tromper et ne pas avoir vérifié les sources des affaires citées. Steven Schwartz devrait se voir sanctionné et a été auditionné à New York pour se justifier de l’utilisation d’une IA dans des recherches juridiques.

Enfin, un des éléments déterminant de la responsabilité civile professionnelle est le lien de causalité entre le dommage et l’action. Or, cette démonstration peut s’avérer compliquée à cause de l’impossibilité de savoir à quel moment est survenue l’erreur. En l’absence de preuves suffisantes fournies par OpenAI, le juge devra statuer au cas par cas.

La mise en cause de la responsabilité civile contractuelle d’OpenAI

Les conditions d’utilisation d’OpenAI (les créateurs de ChatGPT et GPT-4) précisent qu’il est interdit de faire passer les réponses informatiques de l’IA pour des réponses faites par un humain. L’entreprise rejette toute responsabilité sur les réponses générées et rappelle que les utilisateurs ont la charge de vérifier leur validité. Elle rejette également toute utilisation de l’IA comme conseil juridique et rappelle la nécessité de la validation de toute information par un professionnel.

OpenAI ne peut pas être tenue responsable de toutes les actions de ses utilisateurs, elle se doit toutefois d’être transparente envers ses utilisateurs quant aux limites de sa technologie. Sa responsabilité est proportionnelle aux risques. Le site de ChatGPT précise d’ailleurs pour s’exonérer de toute responsabilité que l’IA est susceptible de commettre des erreurs et reste en cours de développement et d’amélioration.

La mise en cause de la responsabilité civile extracontractuelle d’OpenAI

OpenAI dispose de l’unique accès aux éléments permettant d’identifier la responsabilité la plaçant dans la position de gardienne de la chose. À charge donc pour l’entreprise de prouver qu’elle n’a pas commis de faute ou de négligence. Il y a présomption de responsabilité pour l’entreprise contre l’avocat qui ne maîtrise pas le fonctionnement d’une IA. Celui-ci reste toutefois responsable de sa manière d’utiliser l’IA et du dommage causé à son client. Un avocat qui utilise ChatGPT a l’obligation d’être transparent envers son client pour respecter son obligation de loyauté.

En tant que constructeur de ChatGPT, OpenAI est de plus soumise à la responsabilité des produits défectueux ce qui l’oblige à coopérer en cas de dommage même sans faute. La responsabilité peut être engagée en considérant la mise en ligne d’un produit non finalisé générant un risque pour les utilisateurs. Toutefois, ce régime a majoritairement vocation à s’appliquer aux dommages à la personne ce qui laisse de côté la transmission d’informations ou de conseils erronés.

 

En conclusion, l’usage de l’IA par les avocats et les clients va modifier la nature humaine de la profession. En l’absence de réglementation claire sur le sujet, l’avocat se doit d’être prudent dans son utilisation de ChatGPT et des IA génératives en général. La mésaventure de Steven Schwartz pourrait d’ailleurs entraîner des répercussions sur toute la profession juridique et le juge l’auditionnant envisage de sanctionner cette pratique. La place des IA dans les différentes professions sera peut-être abordée en marge de la construction de l’IA Act bientôt soumis au vote du Parlement européen suivant la volonté de l’Union Européenne de créer la première législation sur les IA au Monde.

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