Droit d’auteur et intelligence artificielle : ce que révèle l’affaire Tung Tung Sahur

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À l’heure où les technologies d’intelligence artificielle (IA) transforment en profondeur les pratiques de création et de diffusion de contenus, l’affaire Tung Tung Sahur constitue un exemple éclairant des enjeux contemporains du droit d’auteur face aux productions générées ou amplifiées par l’IA.

Un phénomène viral né de l’IA générative

Depuis début 2025, TikTok a vu émerger un personnage numérique devenu viral : Tung Tung Sahur. Il s’agit d’un avatar en forme de morceau de bois équipé d’un bâton, créé par le jeune influenceur indonésien Noxa à l’aide d’outils d’IA générative, puis massivement diffusé et remixé par les internautes. Ce contenu, inspiré d’instruments traditionnels annonçant le sahur pendant le Ramadan, a rapidement accumulé des dizaines de millions de vues et suscité une forte appropriation sur les réseaux sociaux.

La viralité de ce mème ne s’est pas limitée aux plateformes sociales : il s’est étendu à des univers ludiques comme Roblox, où des utilisateurs l’ont intégré dans leurs propres créations, puis dans un jeu en ligne (Steal a Brainrot) où il est devenu un actif numérique monétisable sans l’accord initial de son créateur.

Un litige révélateur des tensions juridiques

L’exploitation non autorisée de Tung Tung Sahur par des tiers a rapidement donné lieu à un contentieux en propriété intellectuelle. Estimant que son œuvre était exploitée commercialement sans contrepartie, Noxa s’est entouré d’un collectif d’artistes et de conseils juridiques pour faire valoir ses droits. Sous cette pression, les opérateurs du jeu ont retiré le contenu litigieux. Parallèlement, des démarches de dépôt de marque ont été engagées auprès de l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) pour sécuriser les droits patrimoniaux liés au personnage.

Cette stratégie de protection, combinant retrait contentieux et enregistrement de marque, témoigne des solutions juridiques actuellement mobilisables pour répondre à l’exploitation de créations hybrides associant intervention humaine et IA, dans un contexte où le cadre du droit d’auteur peine encore à s’adapter pleinement à ces nouvelles formes de création.

Un cadre juridique encore incertain

L’affaire met en lumière les limites du droit d’auteur traditionnel dans le contexte des œuvres générées ou assistées par IA :

Aux États-Unis, après une position initiale restrictive qui excluait toute protection pour les œuvres générées par IA (notamment via Midjourney), l’Office du droit d’auteur a assoupli sa doctrine en 2025, permettant désormais l’enregistrement de créations hybrides combinant une intervention humaine significative à l’usage de l’IA.

En France, le droit d’auteur ne reconnaît traditionnellement pas l’IA comme auteur. La protection repose sur la démonstration d’un apport humain créatif, ce qui implique que l’IA soit considérée comme un outil au service de la création humaine plutôt que comme une source autonome de droits. Dans ce contexte, le dépôt de marque ou la négociation de licences restent des instruments privilégiés pour sécuriser les droits économiques du titulaire humain.

Cette incertitude se retrouve dans de nombreuses juridictions où le débat juridique fait rage, entre la nécessité de protéger les créateurs humains et les défis posés par l’appropriation et la monétisation rapide de contenus numériques issus ou amplifiés par l’IA.

Vers une redéfinition du droit d’auteur à l’ère numérique

L’affaire Tung Tung Sahur n’est pas seulement un litige isolé : elle illustre un tournant dans la manière dont le droit de la propriété intellectuelle appréhende les créations numériques. La viralité algorithmique, la rapidité des mutations des contenus et la capacité d’appropriation commerciale qu’offrent les technologies génératives posent des défis pratiques et conceptuels majeurs au régime traditionnel du droit d’auteur.

Cette affaire pose des questions essentielles :

  • Comment reconnaître et protéger la contribution créative de l’auteur humain dans une œuvre assistée par IA ?
  • Quelles sont les meilleures stratégies juridiques pour sécuriser les droits patrimoniaux et moraux dans un environnement numérique en constante évolution ?
  • Dans quelle mesure les juridictions nationales et les législations internationales doivent-elles réviser leurs approches pour intégrer ces nouvelles formes de création ?

Conclusion

L’affaire Tung Tung Sahur constitue un cas emblématique des enjeux contemporains du droit d’auteur face à l’essor de l’intelligence artificielle. Elle met en relief non seulement les tensions entre création humaine et production algorithmique, mais aussi l’urgence d’adapter les outils juridiques à un environnement numérique globalisé où les œuvres circulent, se transforment et se monétisent à grande vitesse.

Pour les créateurs, les entreprises et les acteurs du numérique, cette affaire est un signal fort : la protection des contenus à l’ère de l’IA exige aujourd’hui une combinaison de stratégies juridiques innovantes, une compréhension fine des régimes nationaux et internationaux, et une anticipation des évolutions à venir du droit de la propriété intellectuelle.

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