Non obligation générale de surveillance pour les hébergeurs

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Dans un arrêt rendu le 27 mars 2024, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a récemment rappelé un principe fondamental en matière de responsabilité des hébergeurs et fournisseurs d’accès à des services de communication au public en ligne : ces derniers ne peuvent être soumis à une obligation générale de surveillance des contenus qu’ils hébergent ou transmettent.

Les faits à l’origine de cet arrêt remontent à mars 2021, lorsque la société Olivo a constaté la diffusion d’annonces frauduleuses usurpant son identité sur le site leboncoin.fr. Ces annonces utilisaient la dénomination sociale, le numéro RCS et l’IBAN de la société Olivo pour établir de faux devis et des fausses commandes de containers à usage maritime. En réaction, la société Olivo a assigné en référé l’hébergeur du site, la société LBC France, afin de faire cesser cette diffusion frauduleuse.

En appel, la cour a accédé aux demandes de la société Olivo en interdisant à la société LBC de diffuser ces annonces sous astreinte. Cependant, la société LBC a formé un pourvoi en cassation, arguant que cette interdiction imposait des obligations excessives contraire à l’article 6 de la loi n° 2004-575 pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004, dite LCEN.

La Cour de cassation, dans son arrêt, a rappelé le principe énoncé à l’article 6 de la LCEN : l’autorité judiciaire peut certes prescrire des mesures pour prévenir ou faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service en ligne, mais elle ne peut soumettre l’hébergeur à une obligation générale de surveillance des contenus stockés ou transmis. Ainsi, même si les annonces litigieuses constituaient un trouble manifestement illicite, l’interdiction prononcée par la cour d’appel plaçait la société LBC dans une situation de surveillance généralisée des contenus, en violation de la LCEN.

Cette décision de la Haute juridiction soulève également des interrogations quant à la protection des droits des victimes d’usurpation d’identité en ligne. Certains pourraient arguer que cette jurisprudence pourrait potentiellement affaiblir les recours disponibles pour les entreprises ou individus victimes de diffamation, d’usurpation ou d’autres formes d’abus en ligne.

En limitant la capacité des autorités judiciaires à imposer des mesures de prévention ou de cessation des dommages, on craint que les hébergeurs en ligne ne soient moins incités à surveiller de manière proactive les contenus litigieux sur leurs plateformes, laissant ainsi les victimes sans recours efficace contre les atteintes à leur réputation.

D’autre part, certains auteurs estiment que cette décision renforce la nécessité de légiférer de manière plus précise sur la responsabilité des hébergeurs en ligne. En clarifiant les obligations et les responsabilités des plateformes numériques dans la lutte contre les contenus illicites, le législateur pourrait contribuer à établir un équilibre plus juste entre les droits des individus et la liberté d’expression et les activités économiques en ligne.

Une réflexion approfondie sur les défis posés par l’évolution des technologies et des pratiques en ligne pourrait conduire à l’élaboration de solutions juridiques mieux adaptées aux réalités contemporaines du cyberespace.

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