I. En résumé :
- Dans sa décision du 5 décembre 2025 (QPC n° 2025-1175), le Conseil constitutionnel juge que dans l’exécution provisoire de toute sanction pénale (peines alternatives, peines complémentaires, mesure de personnalisation) doit être spécifiquement motivée.
- Le texte contesté modifiait l’alinéa 4 de l’article 471 du Code de procédure pénale, dans sa version issue de la loi de programmation 2018-2022.
- La motivation doit porter sur l’individualisation de la peine : le juge doit apprécier, au cas par cas, en tenant compte des circonstances de l’infraction, de la personnalité du condamné et de sa situation sociale ou matérielle, le caractère proportionné de l’engagement immédiat de la sanction.
- A défaut de motivation adéquate, la déclaration d’exécution provisoire peut être jugée contraire au principe d’égalité devant la justice et au respect des droits et libertés garantis par la Constitution.
II. Contexte et objet de la QPC
Le 26 septembre 2025, la plus haute juridiction de l’ordre pénal a saisi le Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur le dernier alinéa de l’Article 471 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi de programmation 2018-2022.
Cet alinéa permettait, de façon générale, d’ordonner, de manière automatique, l’exécution provisoire des peines alternatives, complémentaires ou des mesures de personnalisation, dès lors que la condamnation était prononcée, sans qu’il soit imposé au juge d’en motiver le caractère immédiatement exécutoire.
Les requérants faisaient valoir que, en l’absence de motivation, l’exécution provisoire portait atteinte à des garanties constitutionnelles fondamentales : le droit à un recours effectif, la présomption d’innocence, le principe d’individualisation des peines, et l’égalité devant la justice.
III. L’analyse du Conseil constitutionnel : un principe de motivation requis
Dans sa décision, le Conseil constate que les peines concernées sont susceptibles d’affecter des droits et libertés constitutionnellement garantis, même si la condamnation n’est pas définitive.
Dès lors, pour préserver le principe d’individualisation de la peine, le juge qui ordonne l’exécution provisoire doit motiver spécifiquement sa décision.
Il doit apprécier, au cas par cas, le caractère proportionné de l’atteinte aux droits ou libertés du condamné, en tenant compte des circonstances de l’infraction, de la personnalité de l’intéressé, ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale.
En l’absence de cette motivation particulière, l’exécution provisoire serait incompatible avec le principe d’un recours effectif et avec la garantie d’une justice équitable.
Cependant, cette déclaration de conformité est assortie d’une réserve : la motivation spécifique exigée s’applique uniquement aux peines prononcées après la publication de la décision (c’est-à-dire aux affaires futures).
IV. Portée juridique et conséquences pratiques
- Réaffirmation du principe d’individualisation : la décision consacre l’idée que l’exécution provisoire ne saurait être automatique et que le juge doit, avant tout, vérifier la proportionnalité de la mesure.
- Protection renforcée des droits du condamné : droit à un recours effectif, garantie de la présomption d’innocence, tant que la condamnation n’est pas définitive et respect des garanties constitutionnelles.
- Impact sur la pratique judiciaire : les juridictions correctionnelles devront désormais motiver systématiquement toute décision ordonnant l’exécution provisoire d’une peine alternative ou complémentaire, sous peine de voir la mesure contestée pour inconstitutionnalité.
- Sécurité juridique et adaptation législative : la décision invite le législateur et les praticiens à revoir les usages liés à l’exécution provisoire afin de garantir la compatibilité avec les exigences constitutionnelles.
V. Conclusion
La décision du Conseil constitutionnel du 5 décembre 2025 marque une étape importante dans l’évolution du droit pénal français. Elle impose un contrôle renforcée de l’exécution immédiate des peines, fondé sur la motivation et non plus sur l’automaticité.
En pratique, cette doctrine recentre la responsabilité sur le juge pénal, l’obligeant à une appréciation personnalisée, circonstanciée et rigoureuse avant d’ordonner l’exécution provisoire d’une sanction.
Désormais, chaque mise en œuvre de l’exécution provisoire devra s’accompagner d’une motivation circonstanciée, garantissant l’équilibre entre l’exigence de l’application de la peine et la préservation des droits fondamentaux du prévenu.







