l’intelligence artificielle «vs» les droits d’auteur

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La protection des œuvres de l’esprit de leur utilisation par les IA

 

En droit de la propriété intellectuelle, les œuvres sont protégeables lorsqu’elles remplissent plusieurs conditions.

La première condition exigée par le code de la propriété intellectuelle, est la condition de forme. En outre, il est nécessaire, afin d’être éligible à la protection que l’œuvre soit matérialisée, et d’autres mots, palpable, audible, ou visible.

La deuxième condition exigée par le code de la propriété intellectuelle est la condition d’originalité. Cette condition est subjective et s’interprète encore aujourd’hui grâce à la jurisprudence en constante évolution. Selon le type d’œuvre elle sera analysée de différente manière.

La jurisprudence admet tout de même de façon constante que l’originalité peut être appréciée comme l’empreinte de la personnalité de l’auteur ou comme la continuité de l’esprit de son auteur.
Par cette interprétation, l’auteur doit presque être identifiable, au travers de son style.

Cette protection par les droits d’auteur sur une œuvre, naît naturellement du seul et unique fait de sa création.

Ainsi ces œuvres utilisées par les IA sont naturellement protégées par le droit d’auteur dans la mesure où ces dernières remplissent les conditions de forme et d’originalité.

Pour les œuvres non éligibles à la protection par le droit d’auteur, ces dernières ne seront déjà, pas protégeable par le droit d’auteur. Ainsi, il sera compliqué d’empêcher leur utilisation par une IA, étant déjà dans le domaine public, faute d’originalité.

Ces différents systèmes d’intelligence artificielle générateurs comme Chat GPT, se servent notamment des données présentes en ligne, desquelles ils se nourrissent, afin de produire du contenu nouveau, on appelle cela la fouille de textes et de données.

Pourtant, la plupart de ces œuvres utilisées par les IA afin de générer du contenu nouveau, sont protégées, par le droit d’auteur.  

Les droits d’auteur confèrent notamment à leur auteur le droit d’interdire, toute exploitation, utilisation ou reproduction sans leur autorisation préalable.

Il semblerait à première vue, que les auteurs de ces œuvres, pourraient s’opposer à leur utilisation.

Pourtant, grand nombre d’exceptions sont prévues par la loi concernant les droits d’auteurs. La dernière exception en date, a été mise en place par une directive européenne de 2019 « DIRECTIVE (UE) 2019/790 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique », transposée dans le code de la propriété intellectuelle, et introduit une nouvelle exception aux droits d’auteur concernant, cette fois, l’Intelligence Artificielle.

Ce texte donne en somme, l’autorisation aux IA d’utiliser les différentes œuvres de l’esprit disponibles sur internet, dont ils se nourrissent afin de générer du nouveau contenu.

Le texte prévoit également la possibilité pour les auteurs de s’opposer à cette utilisation, mais pour cela, ces derniers devront communiquer directement leur opposition aux systèmes d’IA générateurs.

Dans le cas où l’auteur s’opposerait à toute utilisation de ses créations par les IA, il n’en reste pas moins que ces œuvres auront été déjà prises en compte par les IA dans le passé.

Alors, la seule solution véritablement effective pour protéger ces œuvres semblerait de ne pas les divulguer, ce qui semble assez compliqué à concevoir lorsqu’un artiste souhaite faire connaître son travail.

 

La reconnaissance de contrefaçons effectuées par les IA

 

Concernant les potentielles contrefaçons effectuées par les IA, il n’est aujourd’hui pas admis par la loi et par les juridictions en France et à travers le monde, que les contrefacteurs puissent être des IA.

De plus, les créateurs des IA les plus connues aujourd’hui comme OpenAI, propriétaire de ChatGPT ou encore DALL-e, précisent clairement, dans leurs conditions générales d’utilisation, qu’ils ne sont en aucun responsables de tout contenu « portant atteinte à des droits de propriété intellectuelle » préexistants et renvoient la responsabilité à l’utilisateur étant à l’origine du contenu généré.

Pourtant, et au regard de la jurisprudence déjà existante, la contrefaçon n’est pas retenue lorsque le contrefacteur n’avait connaissance du l’œuvre originale.

En l’occurrence nous pouvons rapprocher ces événements, de l’utilisateur, qui en générant du contenu n’a aucune connaissance des œuvres utilisées par l’IA pour générer le contenu nouveau.

Aujourd’hui il est encore très compliqué pour les juridictions d’admettre que les IA puissent être contrefactrices, n’étant déjà pas considérées comme auteures.

 

La législation autour des intelligences artificielles

 

Il semble envisageable aujourd’hui d’élaborer une législation autour des intelligences artificielles et afin d’encadrer leur utilisation, mais des limites se feront toujours ressentir.

Par ailleurs, l’efficacité de ces textes ne pourra s’évaluer seulement au bout de plusieurs mois, afin d’en constater les conséquences.

Les institutions européennes tentent de plus en plus de légiférer et d’encadrer ces nouvelles technologies, de plus en plus omniprésentes dans le quotidien des populations.

La commission européenne travaille depuis maintenant plusieurs années sur un projet de règlement « Proposition de résolution européenne relative à la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des règles harmonisées concernant l’intelligence artificielle et modifiant certains actes législatifs de l’Union COM (2021) »

Ce règlement obligerait chaque pays membre à désigner une autorité de contrôle nationale qui servirait d’intermédiaire entre la commission européenne et le comité européen de l’intelligence artificielle.

Cette nomination nationale permettrait des contrôles plus effectifs sur le respect des textes européens par les IA à l’échelle nationale, rendant le contrôle plus restreint et donc plus simple.

La directive de 2019 « DIRECTIVE (UE) 2019/790 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique », évoquée précédemment, vient aussi préciser certaines zones de flou concernant les IA et notamment sur les IA génératives.

Malgré les efforts des institutions européennes, les directives ne sont pas toujours appliquées dans les pays européens, notamment si ces dernières ne sont transposées en droit national.

Aussi, il semble être compliqué pour les institutions d’établir des textes pour un type particulier d’IA lorsque ces dernières ne cessent d’évoluer.

 

Les conséquences des IA génératives sur les créations de demain

 

Les œuvres produites par des auteurs physiques et disponibles sur internet auront de fortes chances d’être utilisées par les IA, au travers du mécanisme de la fouille de données, afin de générer du contenu nouveau dans le futur.

Ainsi les œuvres d’aujourd’hui nourrissent bel et bien les œuvres de demain générées par les IA, et pourraient potentiellement représenter un concurrent pour les artistes à venir.

En ce sens, de plus en plus de professionnels font appel à des IA génératives, notamment pour la création de logos ou de visuels pour leur activité, visuels qui en conséquence, ne seront produits par des artistes dont c’est originellement l’activité et/ ou le métier.

 

La possibilité d’interdire l’utilisation des œuvres par les IA

 

Au premier abord, il est impossible d’empêcher une IA générative d’utiliser du contenu déjà divulgué. En effet, les IA génératives sur le modèle de ChatGPT, utilisent la totalité des données postées sur internet depuis son début, afin de générer des contenus nouveaux.  

Depuis la directive DIRECTIVE (UE) 2019/790 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique précédemment évoquée, autorisant notamment la fouille de données et de textes aux IA, une possibilité d’opposition a également été mise en place, afin de permettre aux auteurs ne souhaitant pas que leurs œuvres soient assimilées par ChatGPT.

Cette opposition ne reste toutefois pas automatique et est possible à la demande unique des auteurs. Si les auteurs ne s’opposent pas à l’utilisation de leurs œuvres, ces dernières seront exploitées par les IA génératives et aucune permission ou avertissement ne leur sera transmis.

 

La protection des œuvres générées par les IA par le droit d’auteur

 

Comme évoqué précédemment, il est nécessaire pour des œuvres de remplir certain nombre de critères afin d’être éligibles à la protection par le droit d’auteur.

Les œuvres doivent notamment être matérialisées (visibles, audibles ou palpables) et originales. Les œuvres générées par les IA remplissent le premier critère, concernant la matérialisation de l’œuvre.

En revanche, le critère de l’originalité étant décrite par la jurisprudence comme l’empreinte de la personnalité de l’auteur, n’est pas rempli, puisque l’IA ne peut apposer l’empreinte de sa personnalité.

En ce sens, la jurisprudence admet de manière constante, et même dans les pays Anglo-saxon où la conception d’auteur est bien différente que dans les pays de droit civil, qu’un auteur doit être, un ou plusieurs personnes physiques.

Le copyright office américain a notamment décidé, qu’un animal ayant réalisé une œuvre ne pouvait avoir la qualité d’auteur (Naruto v. Slater, 888 F.3d 418, 426, 9th Cir. 2018).

Ainsi et au regard des positions plutôt fermes des juridictions sur la question, à l’heure actuelle, une œuvre générée par l’IA n’est pas protégeable par le droit d’auteur, et donc utilisable et exploitable de manière libre.

Dans certaines situations cependant, l’utilisateur ayant généré le contenu pourra être considéré comme auteur dans la mesure où son implication est considérée comme suffisante par le juge et où l’IA est simplement venue « compléter » le travail de fond de l’auteur.

A titre d’exemple, une Bande Dessinée a été écrite en totalité par un humain, auteur des textes et du scénario. Cependant, les images de cette dernière ont été réalisées par une IA générative.

Le copyright office des Etats-Unis a admis dans ce cas de figure, la protection de l’œuvre dans son entièreté, car le fond de l’œuvre et les éléments les plus importants de cette dernière ont été créés par la personne physique. Seules les illustrations ont été réalisées par l’IA et s’appuient de plus, sur les textes et le scénario réalisés par l’auteur physique (U.S. Copyright Office, Cancellation Decision re: Zarya of the Dawn, 21 févr. 2023).

 

Les conséquences de l’IA sur l’industrie des médias et le monde artistique

 

Aujourd’hui beaucoup de professionnels font de plus en plus appel à l’IA.

Des visuels ou encore logos sont de plus en plus générés par les IA. Cela empêche notamment aux artistes d’être contactés à titre professionnel, afin de réaliser des logos ou visuels, lorsqu’une IA peut le faire gratuitement.

Dans la même lignée, de plus en plus de professionnels font appel aux IA génératives lorsque des textes sont à rédiger, tâche chronophage pour une personne physique qui grâce aux IA peuvent être rédigés en seulement quelques secondes.

Aussi, et plus récemment, nous avons pu constater sur les réseaux sociaux, que les voix de certains chanteurs et artistes ont été utilisées par les IA, notamment sur des titres n’ayant jamais existé ou n’ayant jamais été chantés par ces derniers.

Les voix sont reproduites à l’identique, à un tel point, qu’il est facile de s’y méprendre.

Ces techniques ont également permis aux IA de reproduire des voix de chanteurs aujourd’hui disparus et pourraient inévitablement représenter de grandes opportunités, notamment financières pour les ayants droits ou maisons de disque, de continuer à générer des revenus sur les voix de chanteurs, qui jusqu’à présent ne pouvaient plus produire ou générer de nouveaux contenus et donc revenus.

Dans l’immédiat, les IA ne semblent pas avoir de lourdes conséquences sur l’industrie des médias et l’industrie artistique.

Sur le long terme en revanche, l’IA semble représenter un grand danger pour les artistes actuels, qui seront en conséquence moins sollicités par les clients pouvant se servir d’une simple IA au coût dérisoire, et à la rapidité extrême.

De manière encore plus poussée, les IA pousseraient alors les personnes physiques à moins produire, étant systématiquement aidés de machines peu coûteuses et rapides, afin de produire des contenus et textes, créés originellement par des humains de manière plus coûteuse et plus longue.

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